Les trous noirs sont des corps célestes si denses que rien n’échappe à leur force d’attraction : tout objet qui s’aventure à proximité de leur horizon des évènements y est englouti définitivement. Impossible donc de les observer puisqu’ils avalent sans retour la lumière même qui aurait dû les révéler. Décrit par Einstein en 1919, il faudra attendre un siècle, le 10 avril 2019, pour découvrir une première photographie de leurs obscurités. Les découvertes les plus récentes sur leurs propriétés et leur histoire font des trous noirs hypermassifs du coeur des galaxies des objets célestes encore plus fascinants. Ils ne sont plus uniquement des monstres destructeurs mais bien aussi des monstres créateurs, ils sont ainsi l’élan dynamique de leur galaxie hôte et la source même de ces dernières si ce n’est de l’univers lui-même ou des composantes de la vie qui l’habite. Les trous noirs seraient finalement, et contre toute attente, des astres fertiles !
Wladd MUTA, a choisi de leur rendre hommage en leur donnant forme et rythme. Sa mise en lumière fascine, chaque oeuvre se distingue par une forme d’anneau différente, disque d’accrétion incandescent. Le papier choisi (lokta népalais), les feuilles dorées et la densité du noir donnent à ces oeuvres une forme de jamais vu, cependant que la composition semble affirmer une familiarité avec le résultat.
Au delà de la représentation l’image du trou noir est un dispositif psychoactif fécond. La contemplation de son obscurité perturbe et défie la nécessité impérieuse du cerveau à faire “monde“ des stimuli perceptifs qu’il reçoit. Celui-ci mobilise alors toutes ses ressources pour remplir de sens ce sombre espace déconcertant (en apparence vide mais virtuellement chargé de tous les possibles), plus le sens se dérobe, plus l’esprit est emporté loin de sa sécurité de repères familiers et de réalités consensuelles. L’esprit projeté en territoire inconnu c’est la porte grande ouverte aux visions, aux miracles et aux nouveaux mondes. La contemplation du trou noir est avant tout une pratique magique car “voir“ enfin au dedans de cette obscurité c’est voir la couleur profondément ensevelie de tous les possibles.
Le trou noir est la parfaite figure contemporaine du Grand Mystère. On ne pourra sauver ce monde que le jour où dans chaque foyer, sur leur murs, sur leurs autels, en lieu et place du crucifié ou du méditant, ils sauront accueillir l’image déconcertante du trou noir.
Qu’on se le dise : le noir est la véritable couleur de l’espoir !