10• Paysages dedans, dehors
Le paysage est un genre majeur éprouvé par tant d’artistes depuis son apparition dans l’art au
XIVe siècle. Les oeuvres des trois artistes réunis pour cette exposition témoignent du rapport
de l’homme face à la nature. Une nature infinie, immuable, généreuse et inquiétante qu’elle
soit vue du dedans ou du dehors.
Tout semble en suspens dans les toiles de Romain Bernini (1979, vit et travaille à Paris),
comme une respiration douce entre deux détonations. Ici un paysage, calme en apparence, où
vient de se produire un glissement de terrain ; là un feu dont la présence reste un énigme, ou
encore un refuge qui semble inaccessible donc inefficace. Les peintures de Romain Bernini
sont le théâtre de ces ambiguïtés, se faisant croiser le quotidien et l’étrange, l’action et son
suspens. (R.B).
Les tableaux de Manuel Bujold ( 1976, vit et travaille à Montréal) représentent des grands
espaces vides, traités de manière épurée : des collines, un sentier parmi les bouleaux un abri
de jardin .Mais ces décors bucoliques sont perturbés par la présence de panneaux publicitaires
vides, des pylônes électriques, des sortes de blobs roses et jaunes…Figuratifs ou abstraits, ces
ajouts dénaturent le cadre naturel dans lequel ils s’inscrivent, mais peuvent aussi
l’ornementer.Ils en compliquent la perception, la brouillent, en introduisant un système de
renvois entre ce qui est clairement identifiable et ce qui ne l’est pas. A travers ces images,
Manuel Bujold mène discrètement une réflexion sur notre modernité, l’envahissement
publicitaire, le phénomène de consommation de masse. Et ce dans des territoires les plus
repoussés. Mais ces images apparemment réalistes sont en fait composites et ” artificielles “ :
l’artiste rehausse ses photographies de couches de peintures, ajoute aux paysages panneaux ou
structures métalliques par collage.Ses interrogations sur les artifices contemporains
s’effectuent donc à travers des formes elles-mêmes artificielles et fictives.
Anne-Laure Sacriste ( 1970, vit et travaille à Paris ), peint des paysages qui sont des
lointaines images du monde. Pour cette exposition, elle montre ses peintures réalisées dans le
Museum d’histoire naturelle de New York Des vues d’intérieurs, décontextualisés de sorte
qu’ils en deviennent , parfois, non reconaissables. Intérieurs vraiments ? ou serait-on plutôt à
l’extérieur ? Son oeuvre est une invitation aux errances de la pensée car, selon l’artiste,”la
représentation du réel à travers l’espace peint est déjà par essence scénarisée. Comment la
fiction peut-elle avoir prise sur le réel et vice-versa ? C’est cette brèche qui m’intéresse,
comme une invitation à aller ailleurs vers un temps suspendu, immobile.”
Délicate et minutieuse, la peinture d’Anne-Laure Sacriste se place du côté d’une figuration
évanescente et mouvante qui chercherait une forme de transcendence.